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Un séminaire de maçonnologie ?

Les lecteurs de ce blog le savent car je l’écris souvent dans ces colonnes, de même que je l’ai souvent dit dans les conférences que je propose en France à l’étranger depuis déjà d’assez nombreuses années : la franc-maçonnerie, c’est un sujet qui s’étudie…

La maçonnerie, ça ne s’apprend pas ?

En effet, je ne crois pas que l’on puisse acquérir une maîtrise un tant soit peu sérieuse, profonde et fructueuse de l’univers maçonnique, sans y consacrer un certain effort intellectuel. Ce n’est pas un gros mot ! Le franc-maçonnerie ne vient pas de n’importe où. Elle s’est constituée dans des circonstances historiques, culturelles, sociales et religieuses qui éclairent ses structures, son esprit et ses symboles. Ignorer tout ce contexte fondateur, c’est courir un risque majeur de passer à côté de ses significations essentielles et de commettre, à leur sujet, d’énormes contresens. Du reste, le spectacle de la franc-maçonnerie en France, depuis des décennies, en apporte la preuve parfois affligeante.

Certes, je ne méconnais pas l'argumentation (?) qu’on oppose généralement à ce discours : la franc-maçonnerie n’est pas une école du soir, ni une académie ou une société savante. Le savoir est d’ordre intellectuel, alors que la franc-maçonnerie vise à la connaissance qui se déploie dans le registre initiatique et spirituel, etc. Vieille antienne post-guénonienne qui, du reste, comporte évidemment une part notable de vérité, mais quelle conséquence pratique en tire-t-on ?

Dans n’importe quel domaine de l’activité humaine – y compris dans la pratique d’une religion ! – on ne peut rien faire sans une certaine compétence. Entendons par là qu’on a pris la peine de reconnaître le terrain, de situer les enjeux, de récapituler l’histoire du domaine dont on s’occupe. Ce sont là des évidences que tout le monde partage. Or, en franc-maçonnerie, rien de tel : tout est permis, y compris les délires les plus échevelés. On peut y parler de tout, sur tous les tons, y compris quand on n’a jamais pris la peine d’y réfléchir vraiment ou de se documenter.

Me dira-t-on que « le secret de l’initiation est  incommunicable » ? Sans doute, mais la franc-maçonnerie réside pourtant dans des rituels et des symboles qui s’originent dans la culture religieuse, philosophique et anthropologique de l’occident chrétien. Cela fait plaisir ou non, c’est un autre sujet, mais ne pas la reconnaître, ou mieux (pire ?), décider de l’ignorer, cela porte un nom : le révisionnisme historique. Ne pas l’intégrer – avec la liberté d’examen que chacun conserve – cela conduit tout droit  à la confusion intellectuelle.

 

 

 Est-ce un franc-maçon ?

 

Vous avez dit « maçonnologie ? »

C’est pour cette raison que depuis quelques décennies, une discipline a tenté de voir le jour : la maçonnologie. Je n’aime pas beaucoup le mot, mais il est désormais consacré par l’usage. Que désigne- t-il au juste ? Qu’on me pardonne de citer ici la définition que j’ai suggéré d’en donner dans le « Que sais-je ? » Les 100 mots de la franc-maçonnerie - c’est même la dernière définition proposée dans ce petit livre publié il y a quelques années avec Alain Bauer :

 

100. Maçonnnologie

 

Pendant longtemps, l’histoire maçonnique fut sinon exclusivement, du moins principalement écrite par des auteurs plus ou moins bien formés à la méthode historique, adversaires ou au contraire partisans  résolus de l’institution.

Depuis les années 1970, une « histoire laïque » de la franc-maçonnerie a pu naître. Entendons par là une histoire fondée sur les méthodes et les instruments de l’érudition classique.  Bien des mythes ont été détruits, bien des découvertes passionnantes ont aussi été faites sur les vraies sources intellectuelles de la franc-maçonnerie.
De ces recherches est née une discipline plurielle : la maçonnologie. Au confluent de  l’histoire, de la sociologie, de la philosophie, des sciences religieuses  et de l’anthropologie, elle s’efforce de saisir les invariant de la pensée maçonnique et de décrire ses structures jusque dans leur actualité, sans jamais s’y impliquer.

Regard distancié et critique sur une institution complexe et souvent mal connue, elle est aujourd’hui enseignée en divers lieux universitaires, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique, en Espagne et en Italie… mais toujours pas en France. A noter, cependant, la création réussie de l’Institut Maçonnique de France (IMF), structure associative indépendante qui accueille depuis 2003 les chercheurs de toutes les horizons maçonniques français.

 

Démarche souvent incomprise et parfois peu appréciée. C’est notamment celle que nous menons, avec toute l’équipe de la revue Renaissance Traditionnelle, depuis tant d’années, et qui fut saluée par les érudits maçonniques anglais : elle a été placée en tête des publications maçonnologiques actuelles, anglo-saxonnes comprises, lors d'un congrès en 2007 de la Cornerstone Society et elle a été également citée comme la plus importante dans son domaine selon la revue Freemasonry Today en octobre 2007.

 

 

Même à Manille !....et en France ?...

 

Cette démarche procède surtout  d’un changement de perspective qui oppose l’etic à l’emic

De l’emic à l’etic

Initialement empruntée aux études linguistiques, cette alternative de consonance bizarre est aujourd’hui largement utilisée dans le champ des sciences humaines. Eclairons-là en quelques mots – fût-ce au risque de la schématiser un peu.

La perspective emic est celle qui tente de comprendre « de l’intérieur » une démarche, une activité, un comportement, un code. C’est la langue qu’on parle, quand on est un locuteur naturel de cette langue ; le rite qu’on accomplit quand on ne s’interroge pas sur une tradition venue « du fond des temps » et qu’on met simplement en œuvre ; le geste qui s’impose à nous dans une situation émotionnelle donnée et qui nous a été léguée par notre éducation et fait partie de notre « schéma corporel ».  C’est, en quelque sorte, la vie saisie dans la spontanéité de son déroulement.

La perspective etic, c’est « l’arrêt sur image ». Le cliché ou l’enregistrement pris par l’ethnographe, document désormais pétrifié - pour le bon motif - et qui devient objet d’étude, s’offre à la déconstruction, à la comparaison distanciée, à l’analyse structurale. Elle n’abolit pas la vie (l’emic) mais elle lui adjoint une grille d’interprétation possible, détachée de tout a priori.

On voit quelle application nous pouvons en faire : le travail en loge, c’est l’emic de la franc-maçonnerie, et la maçonnologie sera son etic

Un séminaire

J’ai donc le projet, peut-être déraisonnable, de poser les bases d’une séminaire de maçonnologie, le tout premier du genre en France, et dont l’objet, au-delà de tout coloration obédientielle – une préoccupation qui m’est radicalement étrangère – et sans référence spécifique et encore moins exclusive à aucun Rite, proposerait des itinéraires documentés pour explorer les fondamentaux de la tradition maçonnique, en dehors de toute clôture idéologique – les « spiritualistes » contre les « adogmatiques », ou les « traditionalistes » contre les « libéraux » : toutes oppositions factices qui nous font perdre notre temps, nous éloignent des vrais sujets, et ne sont que des prétextes pour telle ou telle structure, de se présenter, selon une vieille obsession maçonnique, comme la plus ancienne, la plus authentique, la plus régulière, etc.

Je souhaiterais établir de séminaire sur un modèle académique, en mettant en œuvre deux types d’approche : 1. le contact et l’échange directs par des conférences « in real life » destinées à des groupes de travail, sur des thématiques précises balayées systématiquement pendant des mois – suivant une périodicité réaliste à fixer – 2. la mise à disposition sélective de textes et de documents de travail par le canal de ce blog ou d’un site dédié à mettre en place. Ces documents seraient accessibles par des mots de passe à ceux et celles qui auraient pris un engagement minimum de travail.

Comme tout séminaire, il pourrait comporter des activités complémentaires, des études « sur le terrain ». Au risque de déplaire ou de heurter certains - mais tel n’est pourtant pas mon but ! -  je ne pourrai proposer autre chose que des visites libres et sans engagement dans les Loges d’études et de recherches de la LNF où je poursuis, avec d’autres, ces travaux très spécifiques depuis des années.

Je comprends que de telles  procédures puissent rebuter certains et je respecte ce point de vue. Je ferai aussi observer que la maçonnerie américaine, dont on proclame souvent, avec un peu de condescendance, l’irrémédiable déclin et le faible niveau intellectuel, a créé dans certains États, un processus de « certification » qui s’apparente à celui de l’acquisition de diplômes universitaires : un programme de travail et des contrôles qui conduisent à une certification finale.

J’imagine sans peine les commentaires ironiques – voire offusqués -  de certains : « Comment ? Maintenant il faut passer des examens pour faire de la maçonnerie ? » Encore une fois, je ne cherche pas à convaincre quiconque ne souhaite pas l’être ! Je dis simplement que si la maçonnerie veut préserver sa dignité, sa profondeur, et finalement son avenir, elle ne peut demeurer « l’auberge espagnole » où l’on ne trouve que ce qui traîne ici ou là.

Si cette suggestion recueille l’intérêt d’un nombre suffisant de Frères et de Sœurs sincères et attachés à la franc-maçonnerie au point de lui consacrer quelques efforts sérieux et un peu de temps utilisé avec rigueur, alors nous pourrons peut-être voir naitre ce séminaire.

N’hésitez pas à me faire part de vos réactions (Bouton « Me contacter »)…et ne m’en veuillez pas si je ne réponds pas tout de suite. En fonction des opinions qui s’exprimeront, et dont j’effectuerai la synthèse, je pourrai ou non concevoir un projet plus précis et plus structuré.

Pendant ce temps le voyage continue : bonne navigation sur Pierres Vivantes  !

 

 

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