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La Franc-maçonnerie - Histoire et dictionnaire, Coll. Bouquins, Robert Laffont, 2013

Il est difficile de parler d'un ouvrage collectif auquel on a collaboré, j'aurai cependant à revenir sur ce bel opus qui vient de paraître et doit beaucoup au travail de son directeur, Jean-Luc Maxence, dont il faut saluer ici la ténacité.

On y trouvera, dans ce volume de près de 1200 pages, de nombreuses contributions originales - je ne parle évidemment pas des miennes  ! - dont, sans exhaustivité, celles de Pierre-Yves Beaurepaire ("La franc-maçonnerie des Lumières"), Claude Saliceti ("L'humanisme maçonnique"), M.-F. Picart ("Quand la franc-maçonnerie vint aux femmes..."), Simone Vierne ("Fonctions des myhes et des rites en franc-maçonnerie"), Jérome Rousse-Lacordaire ("Voie initiatique, voie spirituelle, histoire comparative"), Jean-Marc Vivenza ("René Guénon, l'ésotérisme et la franc-maçonnerie") ou encore Dominique Jardin ("Les courants ésotériques et la franc-maçonnerie"), Jean-Claude Bousquet ("Du Grand Achitecte de l'Univers à la liberté de conscience" - un article très complet et extrêmement équilibré sur un sujet difficile) et Michaël Segall (remarquable mise au point sur "La franc-maçonnerie américaine inconnue ").

Ces auteurs sont estimés et fournissent ici de nouvelles preuves de leurs talents et de leur réelle maîtrise des sujets traités, en proposant des synthèses actualisées, très abouties, pertinentes et documentées - suffisamment distanciées aussi, car il ne s'agit évidemment pas d'un ouvrage de propagande, et la plupart des auteurs (mais pas tous !) semblent l'avoir bien compris...

On a eu l'excellente idée d'ajoindre de copieuses annexes où l'on trouvera de bonnes traductions de textes fondamentaux, tels que quelques versions des Anciens Devoirs, les Constitutions d'Anderson, mais aussi le Discours de Ramsay.

Enfin la bibliographie et les index, indispensables dans de tels ouvrages, sont bien faits.

Que demander de plus ? Sans doute que tous les chapitres soient du même niveau, ce qui n'est malheureusement pas le cas. Pour l'instant, je préfère réitérer mon jugement d'ensemble très favorable et recommander l'acquisition et la lecture de livre. Je dirai plus tard ce qui est moins agréable mais nécessaire, du moins si l'on veut défendre la vérité de l'histoire - or c'est l'une des passions (et donc l'un des risques) de ma vie !

En attendant, je vous livre la fin du chapitre de conclusion, consacré à "L'avenir de la franc-maçonnerie", que l'ami Maxence m'a chargé de rédiger...

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[...]

 

L’initiation maçonnique a-t-elle un avenir ?

Pour « ceux qui croient au ciel », il y avait – et il y a encore – les églises ; pour ceux qui n’y croient pas – ou n’en veulent plus – mais désirent pourtant conférer un sens à leur vie, il y aussi les partis politiques, l’action syndicale, l’engagement associatif – voire le divan du psychanalyste. Quelle est aujourd’hui – et quelle sera demain ! –, dans un pays comme la France singulièrement, la place de l’initiation maçonnique ?

On a vu que la courbe des effectifs, dans notre pays, n’a cessé de s’élever depuis une trentaine d’années. Faut-il donc la prolonger et prédire un envol numérique de la franc-maçonnerie ? Nul ne peut le dire mais on peut au moins envisager les facteurs qui pourraient modérer ou simplement moduler cet enthousiasme arithmétique.

D’abord parce que l’évolution économique et sociale contemporaine, qui rend les hommes moins disponibles et moins sereins, la mutation culturelle qui substitue le règne de l’éphémère et de l’image sans lendemain à la contemplation méditative de l’icône ou à la réflexion sur les textes que le temps avait consacrés, l’invraisemblable « bougisme » qui contraint les individus à une course folle et permanente, tous ces traits de la civilisation de l’incertitude, de l’apparence et du jeu sont a priori peu favorables à la prospérité d’une démarche mesurée, attentive et patiente comme celle que propose la franc-maçonnerie.

Ensuite parce que, l’actualité l’a tragiquement montré depuis quelques années, le besoin de retrouver des racines spirituelles ou traditionnelles trouve souvent son aboutissement dans les intégrismes religieux de toutes sortes qui, tout en s’opposant avec violence, s’accordent généralement sur un point : la franc-maçonnerie est un ennemi à abattre. Une autre impasse caricaturale est encore représentée par les sectes qui, elles, n’ont jamais tant proliféré.

Enfin parce que les références culturelles et philosophiques sur lesquelles repose le corpus symbolique et rituel de la franc-maçonnerie, empruntant aux sources essentielles de la tradition judéo-chrétienne, fût-ce au simple titre de mythe fondateur et d’allégorie suggestive, font aujourd'hui l’objet d’un discrédit inquiétant qu’alimentent surtout une ignorance et une inculture qui s’aggravent dans les générations les plus récentes.

Pourtant, si l’on veut bien y songer un instant, toutes ces causes d’un possible effacement de la perspective initiatique dans l’esprit de nos contemporains – notamment dans un pays aussi sécularisé que la France du XXIème siècle –, sont peut-être autant de chances à saisir, voire de défis à relever pour une franc-maçonnerie à nouveau confiante et consciente de ses potentialités. Observons simplement que, depuis la fin du XIXème siècle, les acquis de l’anthropologie culturelle ont montré l’impressionnante permanence du schéma initiatique dans à peu près toutes les sociétés et suggèrent qu’il constitue peut-être l’un des invariants les plus saisissants de la condition humaine. Dotée d’une structure étonnamment stable à travers les siècles et les continents, à peine variable dans son fond mais sous des masques et des représentations multiples, l’initiation a jalonné toutes les étapes de la civilisation. Pourquoi notre monde « postmoderne » en serait-il dépourvu ? Pourquoi n’y trouverait-elle plus sa place pour répondre à des questionnements eux aussi intemporels ?

Abandonnons ici résolument l’habit du devin que revêt toujours, plus ou moins consciemment, quiconque prétend trouver dans le présent une préfiguration de l’avenir. Gardons-nous aussi de prendre pour des réalités probables nos désirs comme nos angoisses. Restent alors l’éternelle énigme de la vie humaine et l’irrépressible interrogation sur les origines, le sens et la fin des choses qui, un jour ou l’autre, s’empare presque immanquablement de chaque être humain. Les efforts combinés, tantôt solidaires, tantôt contraires, de la philosophie et de la spiritualité n’ont pu en épuiser le secret en quelques dizaines de siècles de pensée humaine déchiffrable.

L’initiation peut donc encore proposer sa contribution : celle du premier et du dernier pas.

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