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Pourquoi n’y a-t-il pas de « 4ème pilier » ?

…avant tout parce qu’il ne peut y en avoir que trois et que la notion même d’un quatrième terme - prétendument « invisible » - est une absurdité, comme on peut le voir ci-dessous.

En quelques mots, les loges, depuis l’origine de la maçonnerie en France, ont connu essentiellement deux types principaux de disposition des « trois grands chandeliers » situés au centre de la loge :

1. Celle héritée de la Première Grande Loge de 1717, c'est-à-dire celle du Rite Moderne, ou plus tard du Rite Français qui en est l'héritier, avec un chandelier au sud-ouest, un au nord-est et un autre au sud-est.

Les Instructions traditionnelles qui les accompagnent et les commentent les rapportent exclusivement au ternaire Soleil-Lune-Maître de la Loge. Les trois chandeliers matérialisent donc ces trois « Lumières ».Loge 1.png

On trouve dans de nombreux textes maçonniques du XVIIIème siècle transmis jusqu’à nous, sous des formes assez peu variées du reste, l’explication classique selon laquelle il n’y a que ces trois Lumières, et trois seulement, parce que « le soleil éclaire les ouvriers le jour, la lune pendant la nuit et le Vénérable en tout temps dans sa loge ».

Les trois grands chandeliers sont « doublés » par leur représentation graphique sur le tableau ou sur les murs de la loge : le soleil, la lune et une étoile. Ce dernier symbole se réfère donc au « Maître de la Loge ». On pourrait aller plus loin dans le commentaire mais on doit simplement rappeler que ce passage très classique des catéchismes maçonniques ne fait en réalité que reprendre presque littéralement la Genèse (1,16) : « Elohim fit donc les deux luminaires, le grand luminaire pour présider au jour, le petit luminaire pour présider à la nuit, et aussi les étoiles ».

On voit bien qu’un «quatrième » luminaire, si j’ose dire, n’a aucune place dans ce premier schéma.

2. A partir de la fin du XVIIIème siècle, en France, on voit apparaître une nouvelle disposition des chandeliers, dénommés « piliers » : sud-ouest, nord-ouest et sud-est. C’est celle des Rites dits « écossais », RER d’abord puis REAA au début du XIXème siècle.

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Les trois piliers des Rites Ecossais du XVIIIème siècle français

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Les trois piliers du REAA de 1804

Ces « piliers » ont d’ailleurs précédé, dans les textes rituels, leur représentation dans la loge. En effet, dès les origines les catéchismes maçonniques français – du Rite Moderne – disent à peu près tous : « Qu’est-ce qui soutient la loge ? Réponse : Trois grands piliers, Sagesse, Force et Beauté ». Mais à cette même époque, pourtant, les trois grands chandeliers qui sont au centre de la loge correspondent bien au ternaire Soleil-Lune-Maître de la Loge évoqué plus haut. Les trois « piliers » ne sont donc alors que « virtuels », sans aucune représentation matérielle. Ils ne sont devenus « réels » que dans les Rites écossais – ce qui montre que dans tous les Rites, que l’on veut parfois sottement opposer, il n’y a qu’une présentation différente des mêmes symboles….

Mais d’où vient lui-même ce ternaire, Sagesse-Force-Beauté, d’abord invisible puis devenu matériel sous forme des « trois grand piliers », assez tardivement du reste ?

En fait, il s’agit simplement de trois termes traditionnels, dans les prières et les invocations chrétiennes du Moyen-Age, pour qualifier les trois personnes de Trinité ! On trouve ainsi, en Angleterre, de nombreuses attestations de la forme suivante au commencement de diverses prières : « Par la Force du Père, la Sagesse du Fils glorieux et la Grâce ou la Bonté[1] du Saint Esprit ».

Trinite.maison.Bordeaux.pngCette formule est reprise au XVIème siècle dans les Anciens Devoirs qui donneront la trame de l’histoire traditionnelle du métier de maçon dans le légendaire maçonnique.[2] C’est ainsi qu’elle est parvenue dans le rituel maçonnique où l'énoncé ternaire apparait, sous la forme « Sagesse, Force et Beauté » (Wisdom, Strength and Beauty), en 1727 dans le Ms Wilkinson. L’idée de départ était donc que les trois piliers « soutiennent » la loge comme Dieu – en trois Personnes –, par sa sagesse, sa force et sa beauté (sa grâce), « soutient » l’univers entier.

Aussi difficile à admettre que cela puisse être pour certains, je le reconnais, il n’y a donc « que » trois piliers, car il n’y a « que » trois personnes de la Trinité…



[1] « Grace and Goodness ». On notera qu’en anglais, grâce a aussi la valeur de beauté – comme en français classique, du reste.

[2] Toutes les références figurent dans l’ouvrage de R. Désaguliers, Les trois grands piliers de la franc-maçonnerie, [nouvelle édition entièrement révisée par R. Dachez], Paris, 2012.

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