5. Les qualifications de Maître de Loge et les hauts grades liés à la Chaire de Maître, en France au XVIIIème siècle et au début du XIXème siècle.
L'Ecossais des 3 JJJ (c. 1740-1745)
Toute l'évolution que j'ai retracée (voir posts 1, 2, 3) ne concerne que les Iles britanniques. Selon une opinion classique, l’Installation anglaise - secrète ou non - ne semble donc pas s’être transmise en tant que telle, en France au XVIIIème siècle.
Toutefois, le problème des qualifications des Maîtres de loges a bien existé. Il faut cependant ne jamais perdre de vue que, dans les premiers temps, à une époque - avant la création du Grand Orient de France en 1773 en tout cas - où l'immense majorité es Maitres de loge, du moins à Pars, l'étaient à vie, en vertu d'une patente dont ils étaient les propriétaires, la question de l'Installation périodique ne pouvait se poser.
Dès les années 1740, de nouveaux grades apparurent en France, au-dessus des trois premiers, et furent globalement qualifié d’écossais. Or, parmi les premiers privilèges que revendiquèrent des Écossais d'un nouveau genre, figurait celui de prendre de plein droit le premier maillet de la loge !
Il est ici fort curieux de constater que dans la loge du comte de Clermont, à paris, dans les années 1740, état pratiqué un système primitif en quatre grades supérieurs (au moins) dont le plus élevé celui d’Écossais des 3 JJJ, dit de Paris ou de Clermont.
L'argument de ce grade, dans sa forme primitive, est fort simple: on a remplacé Hiram par Adonhiram, dans la Chaire duquel le candidat est installé à son tour avec un attouchement au coude et la communication de deux mots en G., dont l'un est le mot de passe classique du grade de Maître en France au XVIIIème siècle, Gabaon, et le second une forme du Mot de Maître Installé en Angleterre...
Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont
Grand Maître des Loges régulières du Royaume de France
de 1743 à 1771
Le contenu presque exact de l’Installation anglaise - avec même ici la mention très précoce d'Adonhiram - était donc connu à Paris avant 1745 sous la forme d'un grade suprême - pour quelque temps - d’Écossais des 3 JJJ. Notons que ceci est antérieur de quinze années au moins à la divulgation anglaise des Trois Coups Distincts, la première en Angleterre a révéler le contenu de cette Installation !
Il faut également retenir que c'est dans un texte de 1744, le Catéchsisme des Francs-Maçons, de Léonard Gabanon (alias Louis Travenol) décrivant pour la première fois en France la légende d'Hiram et le contenu du grade de Maître (divulgué en 1730 à Londres), que le personnage central du drame est appelé non point Hiram mais Adonhiram, sans pour autant que la légende elle-même soit modifiée. Serait-ce, près de quinze ans après la divulgation Prichard, une simple "erreur" ou, comme on peut le supposer, une modification introduite de propos délibéré, peut-être sous l'influence d'une certaine importance alors reconnus à ce nouveau personnage du légendaire des grades maçonniques ?
On pourrait ainsi formuler l'hypothèse que l'Installation secrète primitive, qui devait exister dans les années 1740 en Irlande notamment, avait été connue en France mais qu’elle ne put y prospérer que sous la forme d'un grande indépendant, en raison notamment du statut des Vénérables en France, bien différent de celui des Maîtres de loge en Grande-Bretagne, qui se renouvelaient encore souvent, à cette époque, tous les six mois, comme à Londres. Du fait de la multiplication bientôt incontrôlable des hauts grades dans les années 1750-1760, ce premier grade d'Ecossais sera rapidement marginalisé - pour donner plus tardivement, sous une forme lointaine et considérablement altérée, le 8ème "degré" du REAA - Intendant des bâtiments.
Il demeura cependant comme un témoignage assez troublant de la présence du contenue ésotérique de l'Installation anglaise dans la maçonnerie française, à une époque relativement ancienne de son histoire, et avant même que ce contenu ne soit clairement attesté par des documents en Angleterre.
En outre, il faut également remarquer que le rôle des Écossais - quel que soit le grande compris sous cette appellation fort vague tout au long du XVIIIème siècle - n'a cessé d'être tenu pour essentiel dans la dévolution de la qualité de Vénérable au sein de certaines loges qui, dans le dernier quart du XVIIIème siècle, se qualifient précisément d'écossaises.
C'est ici que s'ouvre un autre pan de l'histoire en pointillé de l’Installation secrète en France, vers la fin du XVIIIème siècle... (à suivre)