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"Les promesses de l'aube" : une suite inédite...

Les promesses de l'aube, tout sauf un "pamphlet" comme d'aucuns l’avaient annoncé, et je m'en suis expliqué ici-même, reçoit du public maçonnique un accueil qui me surprend. Non seulement il s'est beaucoup vendu depuis sa parution au début du mois de septembre, mais surtout les réactions qui me sont parvenues, si certaines sont plus ou moins réservées - ce que je comprends et admets parfaitement - sont le plus souvent positives et encourageantes, et nombre de nos lecteurs nous ont demandé, à Alain Bauer et à moi-même, de le prolonger sur un point...

Nous n'avions pas voulu, dans un essai qui se voulait distancié, proposant surtout des repères historiques et des remarques documentées pour tenter d'éclairer une situation confuse, ni aller plus loin dans le détail, ni nous risquer à la prévision, la prédiction ou la prescription. Le petit chapitre final "Quelques repères sur les voies du renouveau" se contente de poser quelques landmarks - c'est-à-dire quelques bornes sur le chemin - pour dessiner un avenir possible.

Au cours des deux semaines qui viennent de s'écouler, on nous a demandé avec insistance un diagnostic plus précis sur les tensions et les incertitudes qu'engendre évidemment le projet "confédéral" dont tout le monde parle et dont à peu près plus personne - au-dedans comme au dehors - ne voit plus guère où il mène. Après quelques hésitations, et puisque notre intention n'est aucunement polémique et que nous soumettons bien volontiers notre vision à la plus large critique, dès lors qu'elle est courtoise, honnête et sincère, comme nous nous efforçons de l'être nous-mêmes, nous nous sommes résolus à aller en effet  un peu plus loin - surtout en tenant compte de nouveaux éléments d'information, dont certains sont venus tout récemment à ma connaissance, après un déplacement à Londres dont j'ai parlé il y a quelques jours.

Voici cette contribution qui fâchera peut-être quelques-uns, quoique ce ne soit aucunement son but. Elle permettra surtout, nous l'espérons, à un nombre plus grand encore de nos lecteurs de se forger une opinion sur un problème qui nous concerne à présent tous et toutes.

Voici donc cette suite inédite aux Promesses de l'aube - à encarter dans votre exemplaire personnel, en dernière page !...

 

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Le paysage maçonnique français (PMF) est profondément agité depuis plus d'un an par les projets de recomposition suscités, après le retrait de la reconnaissance anglaise de la Grande Loge Nationale Française (GLNF), par l'Appel de Bâle, lancé à l'initiative de cinq Grandes Loges "régulières" européennes.  Les tensions et le malaise général qui en résultent et dont nous avons analysé les causes, les équivoques et les non-dits, dans Les promesses de l'aube, imposent désormais à tous les acteurs de retraverser le miroir et de reprendre pied dans la réalité.

Il est inéluctable, et surtout très souhaitable, dans l'intérêt de tous les francs-maçons français, qu'un nouvel équilibre soit rétabli entre un pôle régulier - au sens anglo-saxon du terme, défini après 1929 -  et un autre pôle, régulier par nature, au sens des origines. Les uns et les autres doivent en connaitre les conditions et, le cas échéant, le prix à payer. Or ces conditions et ce prix sont parfaitement clairs et nous souhaitons les rappeler en quelques mots.

1. La régularité, au sens de la Grande Loge Unie d'Angleterre (GLUA), suppose et exige le respect de quelques principes dont les plus significatifs et les plus sensibles sont :

a) l'affirmation de l'existence d'un Etre Suprême, qualifié de Grand Architecte de l'Univers et unanimement identifié par la tradition maçonnique anglo-saxonne au Dieu des grandes traditions religieuses, quelles qu'elles soient. Ce point, comme le rappellent les Basic Principles de 1929, est « une condition essentielle à l’admission des membres », tandis que les Aims and Relationships of the Craft de 1949 stipulent qu’il "n'admet aucun compromis". Or c'est bien à ces principes que faisait explicitement référence l'Appel de Bâle;

b) la rupture claire et sans équivoque de toute relation maçonnique avec les obédiences dites "irrégulières" - ce que l'Appel de Bâle exprimait avec la même  netteté.

Toute autre présentation de la régularité anglo-saxonne serait donc illusoire ou délibérément trompeuse - et par conséquent vouée à l'échec.

2. La GLNF, reconnue comme régulière par la GLUA pendant  près d'un siècle et aujourd'hui encore par de nombreuses Grandes Loges "régulières" dans le monde, clairement désireuse de le redevenir aux yeux de Londres, maintient son attachement à ces principes, ce dont une récente déclaration du Grand Chancelier de la GLUA vient de lui donner acte : elle est clairement la candidate "naturelle" à une régularité retrouvée en France et la GLUA, tout en respectant l'indépendance maçonnique de la France où elle refuse d'intervenir directement, exclut que toute tentative de restauration de la régularité puisse écarter la GLNF. Il est donc probable que cette dernière sera de nouveau reconnue par la GLUA dans un assez proche avenir.

3. La Grande Loge de l'Alliance maçonnique française (GL-AMF), directement issue de la GLNF et appliquant les mêmes principes "réguliers"- notamment en matière d'intervisites -, a la même vocation, selon des modalités à définir entre la GLNF et elle, la récente déclaration de la GLUA n'écartant plus une éventuelle reconnaissance de deux ou plusieurs obédiences, qu'elles soient ou non "confédérées". Il reviendra ainsi à la GLAMF de choisir entre la « paix des braves » avec la GLNF et une autre voie qui l’écarterait alors de la reconnaissance par Londres.

4. La GLDF, en répondant positivement à l'Appel de Bâle, dont l'objectif avoué est bien de contribuer à rétablir un nouveau pôle français de régularité à la manière anglo-saxonne, s'est faite l'architecte d'une confédération aujourd'hui à quatre composantes - mais pour combien de temps encore ? -, laquelle n'a de sens, depuis l'origine même des négociations qui ont conduit à sa naissance, que si elle se met en situation de satisfaire sans ambiguïté aux critères anglais de la régularité, comme la GLUA vient de le rappeler on ne peut plus clairement. Or c'est bien là que le bât blesse : apparemment en grande difficulté pour trancher ce choix historique, la GLDF laisse entendre par la voix de son Grand Maître qu'elle pourrait s'engager dans le processus de Bâle sans rompre avec les autres obédiences françaises, ce qui est tout simplement impossible. Il en résulte un blocage de fait de la Confédération maçonnique de France (CMF), évidemment destinée à rejoindre la régularité anglaise et initialement conçue dans ce seul but, blocage dont ne manqueront pas de s'émouvoir les autres composantes de ladite CMF. Il en résulte aussi, à l'égard de toutes les autres obédiences dont le Grand Maître de la GLDF continue de fréquenter  les Convents, une position ambiguë et génératrice de malentendus - sans parler de déclarations aventureuses. Dans l'intérêt de toute la maçonnerie en France, il est urgent que la GLDF sorte de son dilemme : ses partenaires actuels ne tarderont sans doute pas à le lui demander avec insistance.  Selon des sources internes concordantes et qui semblent dignes de foi, 70 à 90% de ses membres seraient prêts à une rupture historique. Mais, dans le flou inquiétant des discours qui en émanent, qui exprime aujourd’hui la pensée profonde de la GLDF ?…

5. Si un pôle stable de régularité, incluant tout ou partie de la GLDF, vient à renaître en France, il restera aux autres composantes du PMF à définir les nouveaux contours de celui-ci et les règles concrètes de son fonctionnement. Eu égard, non seulement à sa taille, mais encore à son ancienneté et à ce qu'il représente dans le patrimoine et la tradition de la franc-maçonnerie française, le Grand Orient de France (GODF) y jouera sans doute un rôle central de catalyseur et de pivot. Mais la mission historique qui peut ainsi lui échoir doit également intégrer les leçons de l'histoire : ni exclusif, ni intolérant, le GODF, s’il parvient à maîtriser certaines pulsions dominatrices, serait alors en situation de favoriser l'émergence d'un vaste rassemblement sans lien contraignant ni rapport de force, rapprochant librement, dans une communauté fraternelle d'obédiences souveraines, toutes les sensibilités, de la plus spiritualiste à la plus sociétale, les grandes et les petites structures, celles qui sont masculines, celles qui sont féminines et  celles qui accueillent tous les genres, sans qu'aucune soit soumise à aucune obligation, si ce n'est de reconnaître le caractère fondateur de l’initiation et de respecter les autres composantes du mouvement - réalisant à la fois le rêve des Constitutions d'Anderson ("le centre de l'union") et celui de Ramsay (faire de la franc-maçonnerie comme de l'humanité, une "grande République dont chaque nation est une famille et chaque particulier un enfant").

 

La franc-maçonnerie française est à l'heure du choix : tous ceux qui prétendent l'aimer et désirent la servir, chacun à leur manière, sans faiblesse mais aussi sans arrogance, doivent mettre un terme aux équivoques, aux faux-semblants et aux aigreurs qui l'empoisonnent aujourd'hui  et brouillent son message, quand ils ne dégradent pas son image.

Il faut notamment que cessent les postures pour que s'affirment les choix, librement opérés et pacifiquement exprimés. C'est désormais le devoir de tous les francs-maçons sincères d'y œuvrer de toutes leurs forces.

 

 

Alain BAUER                                                            Roger DACHEZ

 

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