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  • Les emblèmes de la République sont-ils des symboles maçonniques ?

    Question à risque, diront certains. Ils n’ont pas tort mais, au lieu de se complaire dans les postures, examinons les faits à la lumière de l’histoire culturelle de la franc-maçonnerie. Voici quelques éléments pour tenter de comprendre…

    1. Le buste de Marianne. – Quel joli prénom que celui de Marianne – je l’ai donné à ma fille ! Personnage né peut-être dans le sud de la France, elle a été citée très tôt dans le légendaire de la République naissante, au moins dès 1792, comme incarnant cette joie de vivre et cette détermination du peuple « régénéré », courant sus au despotisme…

    Les bustes de Marianne dont le premier fut sans doute conçu à l’initiative de Lamartine, ne se répandront pourtant qu’à partir de 1848, où le nom devient peu à peu synonyme de la République. Mais il faudra attendre la IIIe République pour que le buste orne les bâtiments officiels – à commencer par les salles du conseil ou des mariages dans toutes les mairies de France.

    La Marianne maçonnique, un modèle spécial paré d’une cordon avec compas et équerre, n’est pas connue avant 1880, lorsque, après l’affaire de 1877 – non, pas le Convent ! La soumission de Mac Mahon… –, la « République des ducs », qui n’attendait qu’une possible Restauration, laisse place à la « vraie » République. Les francs-maçons français, pour des raisons qui n’ont pas de rapport direct ni nécessaire avec la franc-maçonnerie, sont alors parmi les nouveaux soldats, plus pacifiques, qui défendent Marianne. De cette époque, toutes Obédiences et Orients confondus, date la coutume si fréquente de faire trôner dans les loges un buste de la Marianne, « maçonnique » ou non, parfois même en lieu et place du fameux Delta lumineux : assomption de la République pour les uns, regrettable oubli de la tradition maçonnique pour les autres…

     

     

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    Qu’est-ce, d’ailleurs qu’un « symbole maçonnique » ? Si l’on retient le critère d’universalité et le fait de porter un sens moral ou spirituel qu’éclaire le rituel, alors il est certain que Marianne, si accorte et sympathique soit-elle, n’est pas un symbole maçonnique. Les rituels maçonniques, même en France, n’en disent pas un seul mot, et on ne la connait du reste qu’en France et, de nos jours, dans certains temples maçonniques, mais certainement pas dans tous, loin de là…

    Marianne est un symbole politique, un « emblème de République ». A ce titre elle n’a pas sa place dans la loge où sont bannies les discussions politiques…s’il s’agit bien de la franc-maçonnerie au sens « traditionnel », disons classique et universel, du terme – vous noterez que j’évite soigneusement le mot « régulier » » qui finit par ne plus rien vouloir dire du tout, en dehors du fait d’appartenir à un univers diplomatique particulier, à savoir le réseau de la Grande Loge Unie d’Angleterre –  mais je sais bien que ces temps derniers , tout le monde est devenu « régulier » en France…

    Je sais que certains diront : « Mais la République est le combat de la maçonnerie ! »  Oui, et non. Vrai en France, depuis la fin du XIXe siècle, pour une partie ; faux à peu près partout ailleurs dans le monde – sauf dans certains pays latins proches de la France –,  et n’oublions pas que la maçonnerie a été, en trois siècles d’existence, successivement et sincèrement royaliste sous l’Ancien Régime, bonapartiste sous l’Empire, libérale sous la Monarchie de Juillet, etc. Ni qu’elle a presque unanimement et fermement condamné la Commune de Paris. Et s’il fut une époque où être républicain était interdit – ou dangereux –, il existe aujourd’hui des dizaines de partis politiques, de clubs, de cercles de réflexion qui exercent librement – et parfois bruyamment, mais pas toujours brillamment – leur travail. On y rencontre du reste pas mal de francs-maçons.  Certes, la maçonnerie ne peut exister sans les libertés publiques, et c’est pour cela qu’elle est née en Angleterre au début du XVIIIe siècle : dans une monarchie parlementaire…

     

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    Personnellement, j’ai toujours eu un faible pour la Marianne de Delacroix, courageuse et vaillante, exposant sa poitrine à la mitraille et dénudant chastement son sein, sans que ce dévoilement ait le moindre caractère d’une provocation érotique. Mais je ne vois pas ce que Marianne vient faire dans une loge, sauf à tout confondre. Et je comprends qu’on défende une position différente, mais je ne la partage pas du tout.

    2. La Triple devise. – Ce sujet mériterait un post à lui seul ! Rappelons simplement ici ce que tout le monde devrait savoir : ce n’est pas la maçonnerie qui a inventé cette devise pour la donner à la République, mais l’inverse et cela, officiellement du moins, pas avant 1848. C’est alors que peu à peu et timidement elle a fait son apparition dans les rituels maçonniques – aussi bien au Rite Français qu’au Rite Écossais (celui qui est « traditionnel et spirituel »)…

    Sans engager la discussion sur le fond, on peut faire les mêmes remarques que pour Marianne : les valeurs de la République sont de celles qui permettent à la maçonnerie de vivre, c’est entendu. Partout, dans le monde, où domine l’autoritarisme politique ou religieux, la maçonnerie est interdite. Les principes d’égalité des Frères et de fraternité ont été mis en œuvre dans les loges depuis le XVIIIe siècle et les rituels en enseignent la pratique. Mais la « Triple devise » est une devise politique, appartenant à un État, en l’occurrence la République française. Pourquoi ne pas inclure aussi dans nos rituels la Constitution de 1958 pendant qu’on y est ? Et la Déclaration  universelle des Droits de l’homme ?

    La triple devise est belle, digne et émouvante. Mais elle appartient à l’ordre politique, pas au symbolisme maçonnique, que cela plaise ou non. Si l’on ne sait plus où commencent et finissent la maçonnerie d’une part, et la philosophie politique de l’autre, c’est la porte ouverte à la confusion dans laquelle la spécificité de la maçonnerie va se dissoudre. Cela s'est déjà produit...

    Désolé : la triple devise n’est pas d’origine maçonnique et, même respectable et généreuse, elle n’a donc pas sa place dans les rituels, pas davantage que le pourtant somptueux poème de Kipling (« Tu seras un homme, mon fils… ») ou l’une quelconque des innombrables devises que la pensée humaine à produites pour chanter les vertus de l’amour fraternel – l’agapè célébrée par Saint Paul (1Cor, 13, 13).

    3. Les autres emblèmes. Pourtant, tout n’est pas si simple, car on pourrait – après être parti du cas de Marianne – en évoquer d’autres. Par exemple, l’hymne national  ou le drapeau tricolore – trois, ça devrait bien passer en maçonnerie !

    Or, si l’on connait des « inconditionnels » de Marianne en loge, et de nombreux Frères ou Sœurs pour qui il serait inconcevable et choquant de ne pas crier « Liberté, Égalité, Fraternité » à la fin des travaux – et parfois, en prime, « Vive la République…laïque et sociale ! », en revanche, j’en connais peu, même parmi les ardents républicains, qui soutiendraient qu’on peut ou doit chanter la Marseillaise dans les mêmes circonstances, et que la bannière française doit obligatoirement trôner à l’Orient ! Pourquoi ?...

    J’ai dit plus haut  en quoi, à mon sens, Marianne et la « Triple devise » n’ont pas leur place en loge. J’ajouterai maintenant que, dans les loges des pays anglo-saxons où celles-ci sont naturellement inconnues car exclusivement liés à la culture et à l’histoire politique de France, il est en revanche très habituel de chanter, par exemple God Save the Queen à la fin de chaque tenue – je l’ai fait moi-même avec eux, il y a quelques années à Manchester – et que l’Union Jack est fréquemment observée dans les locaux maçonniques britanniques. Je ne parle même pas des USA où la « bannière étoilée » est même parfois portée en cortège en entrant en loge !

     

     

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    Typiquement américain....

     

     

    Je réitère donc ma question : si Marianne et la devise de la République sont les « bienvenues » en loge, pourquoi pas la Marseillaise et le drapeau ? Où est donc le problème ?...

    Tout le monde comprend immédiatement où est le problème : l’appropriation politique, en France, de certains symboles par la « gauche » – quoi que l‘on puisse entendre par là – et de certains autres par la « droite », ou présumée telle. Marianne et la devise sont « de gauche » ; le drapeau et la Marseillaise sont « de droite »…

    On pourrait discuter à  l’infini sur les raisons d’une telle perception,  absurde, évidemment, mais bien réelle, reconnaissons-le. Voilà pourquoi les « symboles de la République », en France, ne sont jamais politiquement « neutres ». Ils sont donc toujours possiblement clivants – et donc contraires à l’esprit maçonnique. En Angleterre, que l’on soit tory ou travailliste, on respecte le drapeau et l’hymne, y compris et notamment en loge. Il en va de même aux USA pour les Républicains autant que pour les Démocrates. Autre histoire, autre culture.

    Une preuve de plus que la franc-maçonnerie n’évolue jamais en vase clos, qu’elle n’est pas un monde en soi et que si on réfléchit sur elle en la détachant de son contexte, on court tout droit aux pires contresens…

  • La franc-maçonnerie est-elle en deux, trois ou quatre grades ?... (3)

    6. La franc-maçonnerie n’est complète qu’en quatre grades !

    J’imagine que certains de mes lecteurs, en voyant le titre de cette dernière section, vont sursauter…

    « Bien sûr que non ! diront les uns, la maçonnerie « symbolique », tout le monde le sait, est en trois grades ! » (On a vu dans mes posts précédents 1 2  que ce fut loin d’être vrai pendant longtemps, dans la première franc-maçonnerie !). « Assurément, diront d’autres, il y a des grades au-delà (prenons garde  à ne pas dire « au-dessus », pour ne pas déclencher aussitôt les passions), mais ce sont des « hauts » grades – on dit parfois, pour ne fâcher personne, des « grades de sagesse » (Ah bon ? Les maçons « bleus » ne sont donc pas si sages ?  Alors tout s’explique – lire les blogs d’actualité maçonnique en ce moment !)…

    Ce n’est pas du tout ce que je veux dire. Il faut distinguer la politique et l’administration maçonniques, d’une part, et la cohérence propre de la tradition symbolique de l’autre.

    Après avoir largement, sinon méprisé, du moins négligé les trois premiers grades – notamment en France –, on en a fait la base essentielle de la vie maçonnique vers le début du XIXe siècle, et l’Angleterre y est pour beaucoup. C’est de cette époque que date la césure « tragique » – je veux dire : qu’on a présentée de façon dramatique, entre les hauts grades et ce que, par dérision, on pourrait aller jusqu’à appeler les « bas » grades ! Alors, de deux choses l’une, en effet : ou bien on nie les seconds, pour glorifier les seuls grades symboliques – voire revendiquer de ne rester qu’un « éternel apprenti », soit on présente la démarche venant après le grade de Maître comme l’approfondissement de vérités seulement virtuelles dans la maçonnerie bleue – il y a des milieux maçonniques où la « philosophie », ça commence seulement dans les loges et chapitres de hauts grades…

    Je crois qu’au-delà de ces aspects tout à fait subalternes de la vie maçonnique et de son organisation, il faut viser autre chose en relisant l’histoire de la naissance et du développement des grades et des rituels.

    Quelles qu’aient  pu être les intentions de ceux qui ont conçu le grade de Maître et la légende qui le structure, cette légende laisse une béance finale qu’on ne peut ignorer : que le Mot (ou la Parole) soit irrémédiablement perdu – dans une des versions – ou devenu imprononçable – dans une autre – , il reste que quelque chose nous est désormais interdit, inaccessible. Or, rien ne peut s’achever ainsi : psychologiquement autant que moralement et spirituellement, cette incomplétude appelle une restauration, une redécouverte : c’est donc tout l’objet de l’incontournable 4ème grade. Non pas un haut grade, si l’on veut, mais bel et bien le couronnement des trois précédents. On peut en donner deux exemples saisissants dans l’histoire maçonnique.

    L'Arc Royal : clé de l'édifice symbolique

     

    Le premier est celui de l’Arc Royal (Royal Arch), que les Écossais et les Irlandais mais aussi, avec des mots différents, les Anglais considèrent, pour reprendre la formule célèbre de Lawrence Dermott, le héraut de la Grande Loge des Anciens au XVIIIe siècle, comme « la racine, le cœur et la moelle  de la franc-maçonnerie ». L’objet de ce grade, dont l’apparition est très précoce – courant des années 1740 et sous une forme plus rudimentaire encore, peut-être plus tôt ! – est de permettre au candidat de retrouver ce qui a été perdu : le Mot qui n’est qu’une des formes du Nom de Dieu. Là où il était depuis toujours, inconnu, ignoré, préservé intact. Un grade somptueux, d’une profondeur et d’une beauté que surpassent peu de choses dans l’univers maçonnique pourtant si ingénieux et si créatif…

     

    Maître Écossais de  St André : la solution ineffable

     

    L’autre exemple, purement français cette fois, est celui du Maître Écossais de Saint André, 4è grade symbolique du Rite Écossais Rectifié (RER) – lequel s’affirme clairement en 4 grades dont aucun, et surtout pas le 4e, n’est un « haut » grade. Telle est aussi, du reste, la position de l’Arc Royal en Irlande et Écosse tandis que, pour des raisons subtiles que je n’examinerai pas ici, les Anglais préfèrent dire que ce n’est « surtout pas » un grade supplémentaire, mais le grade de Maître « complété »…

    Des relations de proximité, de similitude, de ressemblance frappante, existent entre ces deux grades et montrent que, de part et d’autre de la Manche, des contextes maçonniques en apparence aussi différents que ceux de la Grande-Bretagne du milieu du XVIIIe et de la France de la fin du XVIIIe avaient abouti à des conclusions symboliques et rituelles sensiblement identiques.  Cette proximité s’exprime notamment dans la nature du « Mot » qui est au centre de ce grade, et par bien d’autres aspects. Que ces deux traditions maçonniques parmi les plus anciennes, et surtout les plus cohérentes, de l’édifice maçonnique – la maçonnerie britannique et le RER – se rejoignent sur ce point est très révélateur.

    Les deux grades « suprêmes » en question ont aussi un autre point commun, plus intéressant encore : leur lien avec la qualité de Vénérable Maître. Il faut rappeler qu’en Angleterre jusqu’au milieu du XIXe siècle, et en Écosse comme en Irlande de nos jours encore, l’accession à l’Arc Royal n’est possible qu’à ceux qui ont reçu la qualité de Maître Installé lors de la cérémonie dire « secrète ». Tandis qu’en France, le grade de Maître Écossais de Saint André, véritable équivalent traditionnel du « 4e grade » de l’Arc Royal, est nécessaire dans le RER pour devenir Vénérable Maître d’une loge bleue…et que le Mot et l’attouchement de Maître Installé anglais sont même présents dans ce grade de Maître Écossais de St André français !

    D’où ma conviction qu’un Rite maçonnique qui ignore la pratique habituelle, régulière, intégrée à ses usages, de l’Installation secrète du Vénérable Maître, ou du moins la communication sous une forme ou une autre de ses secrets essentiels, n’est pas un Rite maçonnique traditionnellement complet (on me pardonnera de ne pas citer de noms !...)

    Incidemment s’ouvre ici un autre chapitre : la maçonnerie symbolique vraie est complète en quatre grades – on peut dire également qu’elle l’est aussi en cinq mots ! Je recommande à mes lecteurs de guetter un prochain numéro de Renaissance Traditionnelle où mon ami Paul Paoloni livrera sur cette question, que j’ai contribué à introduire dans des loges de recherches et de Maîtres Installés il y a plus de vingt ans, une étude capitale, dense et extrêmement documentée, pleine d’aperçus surprenants.

    Il n’y a aucun doute : la maçonnerie, quand on la travaille – sérieusement –, c’est passionnant…

     

     

  • Pierres vivantes : un an déjà...

    Un an déjà ! Voici un an qu’au cours d’un week-end du 1er mai, un peu désœuvré (?), j’ai subitement eu l’idée de créer un blog.

    J’imaginais naïvement, en le commençant sans trop savoir où j’allais, qu’il me suffirait de placer quelques « posts » de temps à autre, pour mieux faire connaître des travaux que j’avais parfois publiés ailleurs, et d’autres que je n’avais jamais présentés. J’avais besoin de partager de petites notes, de gratter ces quelques coins de vernis craquelé qui masquent parfois l’image vraie de la franc-maçonnerie. J’espérais simplement que cela en intéresserait quelques-un(e)s.

    J’ai été surpris du retentissement que cette initiative a connu ! Sincèrement. C’est aujourd’hui près de 20 000 connexions par mois, des dizaines de milliers de pages lues et, surtout, de nombreux messages qui me parviennent par le bouton « Me contacter ». Pourtant, on ne trouve ici ni potins ni cancans, et les sujets que j’aborde ne sont pas particulièrement faciles, certains sont mêmes un peu arides, il faut bien l’admettre ! Or, tout cela a donné un sens nouveau à mon travail

    Depuis près de trente ans – mon premier article de recherche fut publié en 1985 dans Renaissance Traditionnelle – j’ai éprouvé une immense joie à étudier, défricher, découvrir les allées souvent obscures et très méconnues de l’aventure maçonnique qui se déploie depuis plus de trois siècles. J’ai eu le privilège d’en soumettre les résultats dans des articles, des livres, des colloques en France et à l’étranger, et bien sûr dans nombreuses tenues – au sein de la LNF à laquelle j’appartiens avec bonheur, mais aussi très souvent dans les loges d’autres obédiences (à peu près toutes les obédiences françaises, je crois). Pourtant, l’expérience personnelle de ce blog est très différente.

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    L’internet peut être la meilleure comme la pire des choses : la blogosphère maçonnique en apporte chaque jour une démonstration saisissante. Alors que les trolls sévissent ici où là, laissant s’épancher leur persiflage, leurs imprécations ou même leurs insultes, donnant au passage un spectacle effrayant et une image profondément dégradée de la franc-maçonnerie, la relation que l’on peut établir avec les lecteurs d’un blog comme celui-ci est en revanche d’une autre nature. La franc-maçonnerie existe vraiment quand les francs-maçons trouvent les moyens de se parler sereinement et respectueusement de tout ce qui les passionne – y compris de leurs différences et même de leurs divergences !

    Ici, les querelles de rites et les absurdes guerres picrocholines entretenues par certaines obédiences – mais pas toutes, Dieu merci ! – n’ont absolument pas droit de cité. Une seule vérité éclate aux yeux de tous : la maçonnerie est une réalité complexe…

    Mes convictions maçonniques sont connues, je n’en fais pas mystère, je ne mets pas « ma bannière » dans ma poche. Mais je n’en fais pas un absolu, un horizon indépassable de la pensée maçonnique ! La distinction, parait-il essentielle aux yeux de certains, entre la « maçonnerie libérale et adogmatique » et la « maçonnerie spiritualiste et traditionnelle », me semble au contraire vide de sens quand on aborde le sujet d’un peu plus haut. L’histoire, quand on ne l’envisage pas à la manière de l’Encyclopédie soviétique de sinistre mémoire, en apporte le témoignage évident : la maçonnerie a toujours compté dans ses rangs des sensibilités très diverses. Nous sommes tous et toutes porteurs d’une partie de cette « tradition » qu’on peinerait à enfermer dans une définition trop simple.  Je propose ici à mes lecteurs d’en parcourir ensemble, sans engagement de leur part (ni de la mienne !), les chemins multiples et souvent déconcertants.

    Je ne rêve pas, pour ma part, d’une maçonnerie unique et « obligatoire », qui imposerait à toutes ses loges, à tous ses membres, l’un ou l’autre crédo ; j’aspire plutôt à une maçonnerie plurielle, où chacun exprime avec ferveur et sincérité sa vision d’une institution souvent déroutante, d’une tradition multiforme, sans pour autant prétendre l’imposer aux autres. Oui, je suis un maçon qui croit en Dieu – que j’appelle le Grand Architecte de l’Univers, comme l’ont toujours fait les plus anciens maçons –, et cette référence est essentielle à la franc-maçonnerie que j’aime pratiquer, et je veux travailler dans un cadre maçonnique qui l’exprime clairement, mais je connais, et bien sûr je « reconnais », de nombreux autres Frères et Sœurs qui voient les choses autrement et qui me laissent le droit d’être comme je suis et de le dire, comme j’admets qu’ils empruntent une route légèrement différente de la mienne.

     

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    L’histoire, qui relativise tout, la prise de distance philosophique, anthropologique – en un mot : la maçonnologie, l’etic de la franc-maçonnerie – nous permettent de nous retrouver, de juger sur pièces, de nous faire une opinion – de nous « édifier mutuellement », pour reprendre une métaphore à la fois évangélique et maçonnique. Vous observez que dans ce débat je ne parle pas de la distinction « régularité/non régularité », car elle appartient à un autre registre : celui de la diplomatie maçonnique. Il y a des maçons « réguliers » (ou « reconnus » au sens anglo-saxon, bien sûr) avec qui j’entretiens des relations fraternelles, intellectuelles et spirituelles de grande qualité. Je regrette évidemment de ne pouvoir les fréquenter en loge, mais ils ont leurs contraintes et je respecte leur choix. Il ne me scandalise pas si, du moins, ils ne me jugent pas eux-mêmes et n’ont pas le ridicule de dire, et moins encore de penser, que je ne suis pas aussi maçon qu’eux ! Il y a également des maçons – Frères et Sœurs – d’autres mouvances maçonniques que je rencontre, en loge et ailleurs, dont je ne partage pas toujours le point de vue ni la sensibilité – parfois même, j’éprouve de l’agacement à leur sujet, je l’avoue –, mais dont l’histoire, envisagée objectivement, démontre sans aucun doute possible qu’ils sont eux aussi co-héritiers d’une tradition maçonnique qu’ils lisent différemment de moi. C’est parfois dérangeant, c’est vrai, mais au fond cela me parait compréhensible et enrichissant pour tous.

    Ce blog est donc celui d’un maçon « spiritualiste et traditionnel » que ne préoccupe aucun prosélytisme et qui ne décerne pas les bons ni les mauvais points de la franc-maçonnerie. Je mets à la portée de tous un travail dont je certifie l’honnêteté – ce qui n’exclut évidemment pas le risque de l’erreur – et la sincérité.

    La générosité reste enfin une qualité maçonnique essentielle à mes yeux. Comme chrétien, protestant, je peux rencontrer et partager profondément avec tous les autres chrétiens, de quelque « obédience » qu’ils soient – même si certains m’agacent aussi pas mal ! – comme avec tous mes frères et sœurs en humanité. Comment, à titre de franc-maçon, établirais-je des barrières au nom des « principes » ou de la « doctrine » ? Franchement, de quoi nous parle-t-on ?...

     

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    La franc-maçonnerie française va peut-être connaître, dans les mois qui viennent, des soubresauts obédientiels – une fois encore, une fois de plus ! Je suis d’ailleurs navré de devoir faire une très rapide allusion à ces questions qui, ordinairement, ne m’intéressent absolument pas. Mais la réalité nous rattrape parfois contre notre gré. Quoi que mes lecteurs puissent penser de ces gesticulations, j’ai l’espoir qu’ils placeront l’étude sérieuse et sereine de la franc-maçonnerie en dehors des caricatures et des postures, sur un plan nettement plus élevé. Et que nul n’oubliera que le mépris – quels que soient son masque et ses justifications prétendues – n’a pas sa place dans l’univers maçonnique.

    S’ils partagent ce point de vue,  alors c’est pour eux tous que ce blog continuera d’exister et que je m’efforcerai d’y mettre à leur disposition des matériaux originaux et utiles, qui pourront servir à leur quête – cette soif de comprendre, non de posséder, de dominer ou d’avoir à tout prix raison –  qui est notre seul et véritable bien commun.