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Généralités - Page 15

  • Ce qui est Ecossais n'est pas Ancien...

    Je n'ai pas pour habitude, comme je l'écrivais encore hier, de rentrer dans les "polémiques" que d'aucuns créent artificiellement, depuis deux ans, pour se donner une contenance et travailler à "l'unité maçonnique française" (sic). Je ne suis pas non plus le plumitif d'une Obédience plutôt que d'une autre - même pas de la mienne !...

    Mais quand un aimable blogueur, un ami de longue date au demeurant, joue à l'historien de service - certains diraient : "un historien à nous" -, alors là, pardonnez-moi, mais mon sang d'universitaire ne fait qu'un tour ! Je veux bien qu'on défende toutes les positions philosophiques ou maçonniques, et cela m’indiffère totalement -" ça nourrit le débat", comme on dit aujourd'hui quand on ne sait plus quoi dire - , mais falsifier grossièrement l'histoire par incompétence et pour se mettre maladroitement au service d'une cause de politique maçonnique, c'est juste un peu trop.

     

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    La plus ancienne maçonnerie bleue est celle des Modernes :  la seule qui ait été connue et pratiquée en France au XVIIIème siècle

     

    De quoi s'agit-il ?

    Il parait que les Rites Écossais d'avant la Révolution ne seraient pas des Rites "modernes" - entendons : des rites dont les loges bleues respectent le schéma de la plus ancienne maçonnerie attestée, celle de la Grande Loge de Londres, fondée en 1717, dite des "Modernes" par dérision - et par antiphrase ! - par les "Anciens" autoproclamés...qui venaient d'apparaitre, en 1751.  Voyons cela...

    Bien, tout ce que nous venons de voir concerne l'Angleterre. Première constatation : jamais le Rite Ancien n'a été connu, de près ou de loin, en France avant 1804. Ça fait plaisir ou pas, mais c'est un fait.

    Ensuite, oui, les Rites Écossais des loges bleues "écossaises" d'avant la Révolution étaient des variantes du Rite des Modernes. Tous les marqueurs y étaient : la position des Surveillants, l'ordre des mots J et B, l'existence du tableau au centre de la loge (inconnu des Anciens). La seule différence résidait dans le positionnement des "trois grands piliers" en lieu et place des "trois grands chandeliers" du Rite Moderne, mais cela n'a rien à voir avec les Anciens, d'une part et, ensuite...il suffit de relire ce post pour constater que le ternaire Sagesse-Force-Beauté a toujours été présent dans toutes les loges, y compris et notamment dans celles des Modernes, sous une forme un peu différente. (1)

    Il n'y a malheureusement aucun doute : les Rites Écossais du XVIIIème siècle, en loge bleue, ne que sont que des variantes mineures du Rite Moderne.

    Mais notre historien "amateur-à-nous" commet une autre confusion, encore plus énorme.

    Il nous dit que les Frères des "hauts grades" portaient leurs décors du plus haut grade en loge bleue - ce qui fut souvent vrai - et semble penser que tous pratiquaient par conséquent en loge bleue un "Rite Écossais"...

    Patatras... Il ne faut pas aventurer dans les sentiers que l'on ne connait pas. Au XVIIIème siècle les loges "bleues écossaises" sont apparues dans le dernier quart du siècle, elles ont été marginales, extrêmement minoritaires - et pour la plupart ont conclu des traités d'alliance avec le GODF avant de s'y intégrer au début du XIXème siècle. L'immense majorité des Frères qui, depuis la fin des années 1730, possédaient et pratiquaient des "hauts grades écossais" en France, pratiquaient en loge bleue le Rite Moderne (pas du tout écossais), celui que l’on nommera, au XIXème siècle, le Rite Français. Celui de Louis de Clermont ou de Morin. Et, à partir de 1773, celui du Grand Orient comme celui de la Grande Loge de Clermont...qui pratiquaient tous deux exactement les mêmes rituels ! (Oui, je sais : il y a des "dignitaires écossais" qui ont du mal à avaler cette pilule).

    Que l'on me comprenne bien : contrairement à ce que disent ceux qui oublient de penser avant d'écrire, je me moque des petites querelles obédientielles et je souhaite aux Frères et aux Sœurs, "confédérés" ou non, de vivre la maçonnerie qu'ils aiment...à condition de ne pas empoisonner la vie des autres, ni de passer leur temps à leur faire la leçon. C'est fatigant et discourtois. Surtout pour dire des sottises...

    Pour le reste, il y a bien encore, de nos jours, des adorateurs de la terre plate, pourquoi pas d'autre chose ? Le négationnisme maçonnique a encore de beaux jours devant lui....

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    (1)  Je me permets de renvoyer, sur cette question sérieuse et complexe qui vaut mieux qu'un galimatias incohérent, au livre majeur de mon maître René Désaguliers, Les trois grands piliers de la franc-maçonnerie, Paris, 1963-2011 (2ème édition entièrement refondue par R. Dachez).

     

  • C'est la rentrée !

    Après un intermède estival que j’ai consacré, pour l’essentiel, à la rédaction – toujours en cours ! – des deux livres que je prépare, voici venu le temps de la reprise des blogs !

    Comme le savent tous ceux et toutes celles qui me font le plaisir de lire les pages que je publie ici, ce lieu n’est pas consacré à l’actualité et je m’efforce de n’y jamais pénétrer, du moins directement. Seules des mises en cause à la fois stupides et mensongères, l’an passé, m’ont forcé à une mise au point. Qu’on la relise : je crains qu’elle n’ait été terriblement prémonitoire…

    Je ne chercherai pas à qualifier les mouvements qui se sont produits au sein de « PMF » (Paysage Maçonnique Français pour les initiés…) depuis lors. Les faits, malheureusement, parlent d’eux-mêmes, mais c’est toujours avec la lunette d’un historien que je souhaite porter un rapide regard sur ce qui s’est passé et sur ce qui en résulte. Une fois encore, n’en déplaise à certaines puissances « impériales », je ne suis pas partie prenante dans ces conflits, mon « camp » n’est ni d’un côté, ni de l’autre. Non par prudence ou par pusillanimité, mais simplement par indifférence pour ces stratégies de conquête du « marché » qui se trouvent à des distances cosmiques de l’idée que je me fais de la franc-maçonnerie.

    Retour vers le futur

    Juste quelques observations : après deux ans de désordre annoncé, suite à des négociations et des projets engagés dans la confusion et les faux-semblants, par des porte-parole qui ne disaient pas à leurs mandants tout ce qu’ils pensaient et surtout ne pensaient pas tout ce qu’ils disaient à leurs interlocuteurs européens, la situation est redevenue presque « normale » : il y a une obédience « régulière et reconnue », comme depuis un siècle en France, et de l’autre les « non-reconnues », dont certaines se disent néanmoins régulières à leur façon et d’autres se moquent de mériter ou non ce qualificatif – un peu démonétisé à force de servir à tout le monde et à tout propos…

    Et pourtant le paysage est légèrement différent, ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre, comme l’eût dit Verlaine. L’obédience régulière et reconnue (par Londres, les USA et la quasi-totalité de la maçonnerie « régulière » mondiale), quels que soient les obstacles ou les problèmes résiduels qui demeurent sur son chemin – et quelque chose me dit qu’il y en a encore quelques-uns – a rétabli son statu quo ante mais ses dignitaires comme les Frères qui la composent n’ont pas – du moins, pas encore ! – oublié ce qui s’est passé. Je crois que toute la communauté maçonnique française doit en tenir compte.

    Certains – voire certaines – d’entre nous peuvent se reconnaître dans les principes de la maçonnerie « régulière » et d’autres pas vraiment, ou même pas du tout. L’important n’est pas là. Acceptons cette situation ancienne, non comme une fatalité regrettable mais comme un fait dont il faut tenir compte. Car rien ne sera plus tout à fait comme avant : la GLNF est de nouveau enclose dans les règles de la régularité anglo-saxonne, mais en vertu d’un choix conscient et libre. Ce n’est pas celui de beaucoup d’entre nous, mais au nom de quoi le contesterions-nous ? C’est celui de la quasi-totalité de la maçonnerie mondiale, à ce jour encore. Ce n’est pas un argument pour ou contre, c’est simplement un constat. Alors considérons la situation nouvelle : la GLNF respectera les règles auxquelles elle ne peut plus ne pas souscrire, mais je pense que la crise, douloureuse et violente, choquante pour tous les francs-maçons français, aura peut-être été en partie salutaire. Aujourd’hui, le dialogue fraternel est ouvert car l’épreuve rend parfois plus humble. La GLNF, tant que les obligations qui sont les siennes ne sont pas transgressées – en clair : admettre dans ses tenues des membres d’obédiences non reconnues par elle, ou prendre part à des tenues où ils (elles) se trouveraient – ne refuse plus ni le contact, ni même les collaborations dans le domaine culturel, historique, fraternel. Pour ma part, n’ayant pas la moindre intention de rejoindre ce « camp » – quel horrible mot ! –, je ne le considère pas comme un « camp ennemi » et je sais gré aux Frères de la GLNF des efforts qu’ils ont consentis – même si tout n’est pas achevé – et des gestes qu’ils ont accomplis. Que tous les thuriféraires, parfois péremptoires, de la « tolérance » et de la « liberté absolue de conscience » en prennent acte : c’est une bonne nouvelle.

    Il reste que, depuis deux ans, bien des choses ont été dites et des jugements méprisants proférés par des dignitaires de tous bords, avec des déclarations absurdes et de navrantes démonstrations  de biceps, des rodomontades affligeantes, des controverses ridicules, des changements de pied invraisemblables et, en prime, conséquence logique de la légèreté – voire de la duplicité – de certains dirigeants, le spectacle consternant des insultes échangées anonymement sur le net par des Frères qui, bien souvent, manquent cruellement des informations essentielles qu’on leur a soigneusement cachées. Tout cela fait naître un goût amer au fond de la gorge. Cela va-t-il bientôt finir ?

    On le sait, la fin de l’année sera marquée par les décisions que doit prendre la Grande Loge de France. Il doit être clair que, cette fois, les déclarations ambiguës, les équivoques sémantiques dont on a abusé depuis deux ans, les déclarations contradictoires, plus rien de tout cela ne passera. Mais, si l’on peut dire, j’ai le sentiment que la messe est déjà dite : qu’on me comprenne à demi-mot, le paysage maçonnique « régulier » n’est pas prêt de changer…et les Grandes Loges de Bâle ne sont certainement pas à la veille de quitter le monde de la régularité anglo-saxonne. Il faut abandonner cette ultime illusion regrettablement entretenue par certains « responsables » qui ne se conduisent guère mieux, en maçonnerie, que la plupart de nos « responsables » politiques !  La conséquence, quant à l’issue des choses, s’impose d’elle-même…

     

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    Un emblème et une devise du REAA aux USA: les choses sont claires...

     

    Regard d’histoire

    Que tout cela soit une occasion de réfléchir sereinement sur les événements et de les situer, non pas dans la confusion de l’actualité chaude, mais dans la longue durée de l’histoire maçonnique française.

    Pour des raisons qui tenaient à l’histoire politique, sociale et religieuse du pays, la France a développé au cours de la deuxième moitié du XIXème siècle, un modèle maçonnique nouveau vers lequel elle a entrainé quelques autres pays : des pays latins pour l’essentiel, et même pas unanimement. Ce modèle, simplifiant la vision « initiatique » de la maçonnerie, voire la gommant délibérément, a fait une place majeure à la politique (que l’on a depuis lors pudiquement rebaptisée « préoccupation sociétale »). Toutes les obédiences de l’époque – c’est-à-dire deux : le Grand Orient de France, et le Suprême Conseil qui a donné naissance en 1894 à la Grande Loge de France, à l’initiative de Frères progressistes révoltés contre le pouvoir des hauts-grades – ont emprunté cette « voie substituée », comme disait l’inoubliable Jean Baylot, qui commença comme Grand Maître adjoint du Grand Orient et finit Grand Prieur du RER à la GLNF ! Cette communauté de vue était telle que, juste après la guerre, il fut sérieusement question de fusionner les deux obédiences…

    Au début des années 1950, une évolution s’est produite, aussi bien au GODF qu’à la GLDF, n’ayons garde de l’oublier. Tandis que rue Cadet on commençait à revenir à des rituels plus substantiels, rue Puteaux on s’intéressait aux « Principes » de la maçonnerie anglo-saxonne. Les deux obédiences n’ont réellement commencé à diverger dans leurs approches qu’à partir de cette époque, et pas avant. L’une, le GODF, est resté sur « l’aile gauche », avec des poussées extrémistes de temps à autre – comme sous l’ahurissante grande maîtrise de Fred Zeller –, tandis que l’autre, la GLDF, a suivi un chemin lent, un peu cahoteux, souvent incertain, vers la « régularité » et la « tradition initiatique et spirituelle », sans jamais formuler clairement ce que tout cela voulait dire. Mais on n’échappe pas à son ADN. Celui de la GLDF n’est pas celui de la GLUA. La complexité du sujet se redouble ici avec le fait que la GLDF est entièrement dédiée au REAA – quand ses Grands Maîtres le disent, ils oublient généralement, et passent gentiment au rouleau compresseur, les quelques loges  qui y travaillent au RER, au Rite Français Traditionnel ou à Emulation…

    Partout dans le monde, et notamment dans le monde anglo-saxon, le REAA n’est qu’un Rite de hauts grades qui commence théoriquement au 4ème grade – je n’arriverai jamais à utiliser le fâcheux anglicisme de « degré » pour traduire « degree » – mais en pratique seulement au 18ème auquel on est directement reçu après le grade de Maître. Les grades bleus sont soit ce que l’on nomme – abusivement – en France Emulation ou l’une de ses variantes, soit le Rite d’York qui en est assez proche. Au XVIIIème siècle, en France, les Frères qui possédaient des grades « écossais » travaillaient en loge bleue selon le Rite Moderne, qu’on nommera plus tard le Rite Français.

    Mais surtout, aux USA comme en Grande-Bretagne, les Suprêmes Conseils n’ont aucune capacité d’agir à l’égard des Grandes Loges sur lesquelles elles sont fondées. Les choses vont même plus  loin : ce sont les Grandes Loges qui reconnaissent les juridictions de hauts grades, et pas l’inverse. Le mythe des « 33 grades  de l’Ecossisme », entretenu par ses textes fondateurs – eux-mêmes mythiques puisque grossièrement  antidatés – n’a jamais eu de réalité qu’en France, entre 1821, date de création réelle du Suprême Conseil de France actuel, et 1894, quand fut établie, sous la contrainte, la Grande Loge de France. Mais ce modèle unique, alors jamais vu ailleurs, et dont on mesure sans peine les inconvénients, n’a jamais déserté l’esprit des hauts dignitaires « écossais ». On voit aujourd’hui où cela mène.

    Quand on dit : « Le REAA est le Rite le plus pratiqué au monde», on commet une lourde erreur – ou un gros mensonge – par omission : il faut ajouter, pour que ce soit vrai : « …dans les hauts grades ». Et tout le problème français est là.

     

     

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    Une vision américaine des hauts grades :

    un Knight Templar vaut un 33ème...

    et tout repose sur le Rite d'York

     

    Que des Frères – mais aussi des Sœurs, qui qu’en grogne dans le « REAA-qui-est-fait-pour-les-hommes » (sic) ! – s’accomplissent dans les grades bleus du REAA est une chose respectable en soi, elle n’appelle aucun commentaire. Mais que la volonté impérialiste de ce Rite, dont les plus « hauts gradés » considèrent volontiers, et enseignent à leurs adeptes, que c’est le seul Rite maçonnique digne de ce nom, ait conduit aux désordres qui ont pendant deux ans pollué l’atmosphère de la maçonnerie française, est une chose beaucoup moins acceptable.

    Peut-être la solution – radicale mais logique – serait-elle de constituer un espace de « régularité écossaise », où les Frères et les Grandes Loges qui se reconnaissent exclusivement dans ce Rite, se parleraient d’eux-mêmes à eux-mêmes, sans être forcés de parler aux autres, en France comme à l’étranger ? Nul doute que la Grande Loge de France, par son indiscutable antériorité en ce domaine, et son Suprême Conseil, par l’ampleur de ses ambitions historiques, seraient conduits à y jouer un rôle majeur, voire prépondérant.

    Juste une occasion d’appliquer ce principe de bon sens, valable dans tous les domaines de la vie de chacun d’entre nous : ne vaut-il pas mieux faire ce qu’on sait faire – et qu’on aime –, plutôt que de s’essayer à ce dont on est incapable – et en quoi on ne croit pas vraiment ?...

     

  • Une carte postale d'Angleterre

    Juste pour divertir un peu nos vacances - parfois intellectuellement ternes - voici une petite information estivale de la franc-maçonnerie anglaise qui donne à réfléchir : le service religieux annuel, dans la cathédrale (anglicane !) de Gloucester, ayant rassemblé, le 5 juin dernier, plusieurs centaines de Frères de la région, accueillant en grande pompe leur Grand Maître, l'inoxydable Duc de Kent.

    Le cousin de la reine, Grand Maitre depuis 1967 - et réélu annuellement depuis - état accompagné du Lord Lieutenant de Gloucestershire, Dame Janet Trotter, et des dignitaires locaux de la Grande Loge Provinciale ainsi que de plusieurs édiles - francs-maçons ou non.

    On ne peut pas réellement comprendre la franc-maçonnerie anglaise, britannique en général - ni saisir ce que pouvait être la franc-maçonnerie des origines - si l'on ne réalise pas à quel point l'institution maçonnique est profondément liée aux coutumes et mœurs anglaises dans tous les domaines. Pas seulement sur un plan purement formel ou administratif, mais par la mentalité, je dirais presque, l'image du monde...

    Chaque année, la Grande Loge fait ainsi célébrer des services religieux dans les églises de la religion "établie" et les Frères en décors y participent avec joie. Quel étonnement - voire quel  scandale ! - pour nombre de maçons français, pénétrés de l'idée que la franc-maçonnerie est avant tout une institution laïque, "gardienne de la République" !

     

     

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    Arrivée du Duc de Kent dans la cathédrale de Gloucester

     

    Et pourtant, les Anglais n'ont rien à nous envier en matière de défense des droits individuels (l'habeas corpus a été inventé par eux et n'existe toujours pas en France), de démocratie représentative (leur Parlement est doté de droits réels depuis le début du XVIIIe siècle) et de respect de la liberté de conscience (aucune religion ne s'impose aux autres depuis 1689). Simplement, les Anglais ont intégré toute leur histoire - et elle fut mouvementée - sans jamais rien rompre ou éradiquer : ils ont un jour décapité leur roi...avant de rétablir son fils sur la trône douze ans plus tard; à la monarchie absolue a succédé la monarchie parlementaire - sans qu'aucune Constitution n'ait jamais été adoptée !

    Les Anglais, à la différence des Français, ont cette capacité unique d'embrasser tout leur passé sans rien en retrancher. Marc Bloch exprimait sans doute un regret autant qu'une conviction lorsqu'il écrivait : « il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l'histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération ».  Oui, certes, mais combien de Français sont-ils vraiment capables de double devoir de mémoire  ?

    Pour un Britannique, on doit être tolérant en matière de religion  - ils l'ont été bien avant nous ! - , mais on ne peut pas ne pas avoir d'appartenance religieuse - et cela avec la plus grande délicatesse et un savoir-vivre extrême, qu'il faut constater pour en mesurer l'ampleur. Les francs-maçons anglais ne sont d'ailleurs pas atypiques dans leur pays, car la grande majorité des sujets de Sa Gracieuse Majesté partagent encore cette vision du monde.

     

     

     

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    Le Grand Maitre de la GLUA accueilli par le Doyen de la cathédrale

     

     

    Certes, le tempe passe, lui aussi, en Grande-Bretagne comme ailleurs : selon des sondages récent on y dénombre à présent environ 25% d'athées ou d'agnostiques déclarés. Une évolution comparable se produit aussi en Écosse.

    Les institutions anglaises ne sont cependant pas figées ni "passéistes" comme on le croit parfois sottement en France, ce qui conduit certains à en sourire niaisement. Elles intègrent le passé dans le présent. Le Duc de Kent n'a pratiquement aucun pouvoir  - beaucoup moins que ses "collègues" français en tout cas - au sein d'une Grande Loge qui est en fait gouvernée par le Board of General Purposes, dont les membres sont très majoritairement élus par les loges. De même, l’assistance en corps au service religieux annuel est, pour les francs-maçons anglais, une façon de célébrer publiquement, et tout ensemble, leur attachement aux vieilles traditions du pays, mais aussi leur affection pour leur loge, leur fierté de voir à leur tête le cousin de la reine, et enfin - que les laïques français ne s'en émeuvent pas ! - leur tolérance religieuse, car ils n'ont jamais fait de l’Église d'Angleterre celle de la Grande Loge, mais cette Église, ils ne l'oublient pas, celle des "libertés anglaises", est aussi celle de l'État, elle fait partie d'un patrimoine national dont ils ne veulent rien retrancher.

    En Angleterre, j'ai entendu les Frères chanter, avant la tenue, l'hymne national - certains le font après, au début des agapes - et j'ai chanté God save the Queen avec eux. En retour, et contre mon attente, ils ont entonné deux couplets de La Marseillaise pour me faire honneur : un spectacle indescriptible et inoubliable, mais combien émouvant ! Et je me suis demandé combien de francs-maçons français, si volontiers donneurs de leçons, seraient capables, sans ironie, de leur rendre la pareille...

    On pourrait bêtement sourire ou s'offusquer de cette image de la cathédrale de Gloucester, par inculture à la fois historique et maçonnique. J'ai parfois constaté cette réaction de la part de francs-maçons français qui ont oublié de réfléchir et de se documenter avant de juger à l'emporte-pièce. Et je me suis dit, parfois aussi, que mes Frères et amis anglais sont sans doute plus "libéraux et adogmatiques" que certains maçons français qui ont fait de la laïcité leur religion...

    La France n'est pas l'Angleterre, l'histoire des relations entre les Églises et l’État, notamment, n'y fut pas du tout la même, et cela explique beaucoup de choses, en dehors même de la franc-maçonnerie. Mais au moment où l'on se préoccupe, péniblement semble-t-il, de "recomposer" le paysage maçonnique français au sein duquel la maçonnerie "régulière "- à laquelle je n'appartiens pas, je le rappelle - a sa place légitime, il ne faut surtout pas se leurrer, ni jouer avec les mots, ni se payer d'illusions. La maçonnerie anglo-saxonne est un bloc, avec une parfaite cohérence intellectuelle et religieuse - ce qui n'empêche ni les nuances ni la diversité, mais ses "principes de base" sont sans équivoque. Feindre de l'ignorer tout en prétendant la rejoindre - fût-ce par "la main gauche" - est une voie sans issue.

    Je ne suis pas "officiellement" reçu dans les loges anglaises, mais je ne peux oublier que méconnaître la franc-maçonnerie de tradition britannique, c'est se tout simplement se condamner à ne rien comprendre à la franc-maçonnerie en général.

    Et, pourquoi ne pas le dire, ce spectacle de l'Annual Church Service de la Grande Loge Unie d'Angleterre, qui peut laisser incrédules ou choquer certains maçons français - et qui est d'ailleurs impensable en France, même dans la maçonnerie dite régulière ! - , me parait au contraire respectable et émouvant.

    En tout cas, et au même titre que toute la maçonnerie anglaise en général, il mérite mieux que l’indifférence ou  l'hostilité, et encore moins la duplicité...